vendredi 15 janvier 2010
« THRILLER »
Iegor Gran
éditions P.O.L.
Iegor Gran
Naissance à Moscou. À 10 ans, sa famille s’installe en France. Aucune notion de français à l’époque. Problèmes de scolarité. Par désespoir, fait l’École Centrale. Par goût, fait autre chose.
Bibliographie:
- Thriller (2009),
- Les Trois Vies de Lucie (2006),
- Jeanne d'Arc fait tic-tac (2005)
- Le Truoc-nog (2003 )
- O.N.G ! (2003) Grand prix de l’humour noir. Prix RD/RG Paris-première,
- Spécimen mâle (2001) ,
- Acné Festival (1999)
- Ipso facto (1998)
Thriller
Éditions P.O.L.
Un bon livre commence par une phrase qu’on aurait aimé écrire. Aussitôt lue, la première phrase rend son lecteur agréablement jaloux. Une phrase comme celle qui ouvre Thriller « C’est par la salade que tout commence. »…
…. En l’occurrence, c’est une salade avec de vrais morceaux de réel dedans, comme l’indique un avertissement au lecteur : « L’histoire qui suit est une reconstitution de plusieurs faits divers qui se sont télescopés à Berkeley, Californie. » Et pourtant, il y a marqué « roman » sur la couverture…
…. On veut en savoir plus : on rentre dans le livre. Ça commence comme un bon vieux vaudeville des familles, à table, un vendredi soir. Autour d’une salade au saumon, précisément, discutent : le mari l’intellectuel, tout entier absorbé par sa recherche, (« l’équation de l’économie sociale »), la femme en mal de romance, le vieux beau en Volvo (dont on apprendra dans quelques pages qu’il est l’amant de la maîtresse de maison) et le dandy tête à claques. Ajoutez deux personnages périphériques (pour plus tard) : un ado nerd (prononcez « neurde », jargon informatique désignant un jeune collé à son écran), spécialiste des webcams, et un psychopathe fortement imbibé d ‘alcool de gentiane. Voilà la situation. .…Ce qui réjouit dans ce thriller… c’est la manière impertinente (non pas décomplexée), pétrie d’humour, avec laquelle l’auteur attrape son intrigue par les détails, le fait divers par les personnages, le roman par la salade…
…Précisons, Iegor Gran fabrique son roman à la manière d’un thriller, c’est-à-dire qu’il s’appuie sur les habitudes mentales du genre (repérer les indices, ne pas lâcher le livre jusqu’au dénouement de l’intrigue, tenu à la lettre par le suspense) pur produit de l’écriture, une épaisseur romanesque inouïe, des dialogues jubilatoires, le tout rigoureusement enchâssé dans le récit……Iegor Gran met dans la bouche de son antihéros idéaliste (dont les recherches s’efforcent de « quantifier le bonheur industriel ») cette phrase adorable : « Le bonheur est fait de petites fraises ».C’est aussi pour ce genre de phrase que le lecteur continue à tourner heureusement les pages.
Aurélie Djan « Le Monde » 16-10-2009