vendredi 28 Novembre 2008
« On n’est pas là pour disparaître »
Olivia Rosenthal
(éditions Verticales)
Prix Wepler fondation La poste 2007
Olivia Rosenthal
a publié six récits (tous aux éditions Verticales) qui mettent aux prises des personnages obsessionnels, inquiets, décalés, avec un monde dans lequel ils ne se reconnaissent jamais tout à fait. « Mes petites communautés » (1999), « Puisque nous sommes vivants » (2000), « L’homme de mes rêves » (2002) ou « Les Fantaisies spéculatives de J.H. le sémite » (2005) s’attachent aux formes étranges que prend la pensée d’un personnage quand, incertain de son identité, il est entièrement laissé à lui-même.
Olivia Rosenthal a également expérimenté des formes d’écriture plus directement adressées : fictions radiophoniques ou pièces de théâtre. Sa première pièce de théâtre « Les Félins m’aiment bien » éditée chez Actes Sud-Papiers a été mise en scène par Alain Ollivier au théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis en 2005. Depuis elle a écrit deux autres pièces et travaille actuellement sur la part d’oralité que toute écriture recèle.
C’est dans cet esprit qu’elle s’est engagée dans des performances où elle dit en direct et en son nom propre des textes humoristiques, grinçants et décalés sur nos folies ordinaires. Ces textes écrits pour la scène en collaboration avec cinéastes, écrivains ou plasticiens, ont été présentés dans divers lieux artistiques et festivals (Lieu Unique à Nantes, festival des Intranquilles aux Subsistances, Ménagerie de Verre à Paris ou prochainement festival « Court toujours » à la Scène nationale de Poitiers).
« On n’est pas là pour disparaître »
« Nombre d’écrivains préfèrent écrire des romans à l’eau de rose que travailler sur la maladie d’A. »
Olivia Rosenthal, elle, a eu le courage, l’audace de se confronter à ce travail, à cette peur contre laquelle tout son esprit se révolte.
Et même si elle affirme que « Écrire sur la maladie de A. est par nature voué à l’échec », ce livre prouve magistralement le contraire, il était, en effet, nécessaire de nous faire entendre ces voix : celle de Monsieur T., atteint de la maladie de A., flottant dans « un éternel présent », celle de sa femme qui parle de la difficulté de vivre avec un homme atteint de la maladie de A., un homme en train de l’oublier, celle de sa fille qu’il prend pour sa femme, puis sur le mode litanique, celle de la narratrice qui revient sans cesse sur cette question primordiale de l’identité : qu’est-ce qui nous constitue ? Qu’est-ce qui me constitue, moi Olivia Rosenthal ?
On aime ce livre pour ce rapport tragique et explosif au réel.
Puis, « Faites un exercice » et lisez :
« Il faut du temps. Il faut du temps pour entrer dans la tête d’un malade A.. Pour cesser de ne voir là qu’une déchéance. Une perte. Une projection de notre avenir. Il faut beaucoup de temps. »
Et « Être un malade de A., c’est croire en la magie de la réapparition perpétuelle. »
On aime ce livre aussi pour ces phrases-là.
F.T.